Le géant pétrolier britannique a gagné 27,7 milliards et versé de
généreux dividendes à ses actionnaires. Du coup, il n’est pas prêt à
renoncer aux hydrocarbures.
Le géant des hydrocarbures britannique BP a annoncé mardi un résultat
annuel dopé par les cours des hydrocarbures, accompagné d’importantes
distributions à ses actionnaires. Il a également déclaré ralentir le
rythme de sa transition énergétique, au grand dam des écologistes.
BP voit son bénéfice hors éléments exceptionnels, indicateur le plus
suivi par les marchés, plus que doubler sur un an à 27,7 milliards de
dollars, un record absolu, dans la foulée de prix du pétrole et du gaz
tirés vers le haut, notamment par la guerre en Ukraine. Les
investisseurs applaudissaient: l’action BP grimpait de 4,15% à 498,20
pence à la Bourse de Londres mardi matin.
42,3 milliards pour Shell
Ce résultat est publié dans la foulée de son compatriote Shell, qui
avait annoncé la semaine dernière le bénéfice le plus élevé de son
histoire en 2022, à 42,3 milliards de dollars. Il suit aussi des
résultats spectaculaires de ses rivaux américains ExxonMobil et
Chevron et attise les appels à une taxation plus importante en pleine
crise du coût de la vie.
Mais le conflit en Ukraine a aussi pesé lourdement sur le groupe, qui
voit son résultat net tomber dans le rouge: la perte nette part du
groupe atteint 2,5 milliards de dollars, à cause d’une charge de plus
de 24 milliards de dollars reflétant la sortie du russe Rosneft, dont
il détenait 19,75%.
BP a par ailleurs annoncé mardi qu’il comptait renforcer ses bénéfices
d’ici 2030 en investissant davantage à la fois dans les renouvelables
mais aussi les hydrocarbures, ce qui va ralentir le rythme de sa
transition énergétique.
Deux tiers des résultats venant des hydrocarbures
Le groupe prévoit ainsi une augmentation des investissements jusqu’en
2030 qui pourra atteindre 8 milliards de dollars dans les énergies à
bas carbone et autant dans le pétrole et gaz, portant le total de ses
investissements annuels à une fourchette comprise entre 14 et 18
milliards de dollars jusqu’en 2030. BP estime que cela devrait
augmenter le résultat d’exploitation de 3 milliards de dollars en 2025
et de 5 à 6 milliards de dollars en 2030, dont les deux tiers
proviendraient des hydrocarbures.
En conséquence de ces investissements supplémentaires, et en
conservant certains actifs plus longtemps, BP s’attend à ce que sa
production de pétrole et gaz en 2030 atteigne environ 2 millions de
barils par jour, soit 25% de moins qu’en 2019, contre une diminution
de 40% attendue précédemment.
«De l’argent sale avec le pétrole et le gaz»
Malgré des résultats records, BP «revient en arrière sur ses récentes
promesses climatiques. Il est clair que le chauffage de nos maisons
continuera de coûter cher à la Terre», a réagi Friends of the Earth
dans un communiqué.
Greenpeace, qui reconnaissait un an plus tôt que BP était doté du plan
«le plus ambitieux des géants pétroliers» pour sa transition, déplore
mardi que ces engagements «semblent avoir été fortement sapés par la
pression des investisseurs et des gouvernements pour faire encore plus
d’argent sale avec le pétrole et le gaz».
De fait, BP a annoncé mardi une hausse de 10% de son dividende pour le
quatrième trimestre, ainsi qu’un nouveau programme de rachat d’actions
de 2,75 milliards de dollars. Les redistributions aux actionnaires ont
dépassé 14 milliards de dollars pour 2022. «En termes de perspectives,
le groupe s’attend à ce que le prix des hydrocarbures reste
relativement robuste grâce à la reprise de la demande chinoise, tandis
que les marges de raffinage devraient également rester élevées compte
tenu des sanctions russes», relève Richard Hunter, analyste chez
Interactive investor.
Taxer les géants pétroliers
Mais en pleine crise économique, de telles largesses alimentent les
critiques. «Plus de la moitié» des bénéfices de BP «vont directement
vers des actionnaires super riches, alors que des millions de
personnes n’ont même pas les moyens de chauffer leurs maisons»,
dénonce l’ONG Global Justice Now, qui appelle à taxer encore plus les
géants pétroliers.
Le gouvernement britannique a introduit en mai, puis augmenté en fin
d’année à 35% une taxe sur les bénéfices énergétiques exceptionnels,
tout comme l’UE qui a adopté fin septembre une «contribution
temporaire de solidarité». BP a indiqué mardi que la taxe
exceptionnelle britannique a pesé en 2022 à hauteur de 1,8 milliard de
dollars dans ses comptes, et la contribution européenne à hauteur de
505 millions.