Cet eldorado des expatriés connaît ces derniers mois une flambée de
l’immobilier alimentée par l’afflux de riches investisseurs, russes en
particulier, prenant de court les résidents qui voient les loyers
exploser.
Avec ses gratte-ciel scintillants, ses villas ultra-sécurisées et ses
îles artificielles de luxe, l’émirat du Golfe a enregistré des
transactions records de plus de 130 milliards de francs en 2022, en
hausse de plus de 76% sur un an, selon les autorités. Dans les
quartiers les plus huppés de la ville, où les propriétés s’arrachent à
plus de dix millions de dollars, le nombre de ventes l’année dernière
a dépassé celui de l’ensemble de la période 2010-2020, selon le
cabinet britannique spécialisé Knight Frank. Les prix y ont bondi de
44%, affichant «la plus forte croissance du marché de luxe au monde»,
tout en restant encore l’un des plus abordables, souligne à l’AFP le
directeur de recherche de ce cabinet pour le Moyen-Orient, Faisal
Durrani, basé à Dubaï.
Moins riche en pétrole que la capitale Abou Dhabi, Dubaï, deuxième
ville des Émirats arabes unis, séduit par sa fiscalité avantageuse,
son mode de vie luxueux et l’abondance de services, assurés par des
milliers de petites mains venues essentiellement d’Asie. La neutralité
affichée par les Émirats arabes unis vis-à-vis de la guerre en Ukraine
a permis à Dubaï d’attirer, depuis l’année dernière, de nombreux
Russes fortunés, fuyant les sanctions occidentales dans leur pays.
Les Russes en tête
Si les autorités ne divulguent pas les nationalités des investisseurs,
Betterhomes, l’une des principales agences immobilières de Dubaï,
estime que les Russes étaient en tête des acheteurs internationaux
l’année dernière. Britanniques, Indiens, Italiens et Français figurent
également parmi les principaux investisseurs. Entrepreneurs, chefs
d’entreprise, banquiers ou célébrités: tous se pressent pour obtenir
un logement dans cette ville qui a été l’une des premières au monde à
s’ouvrir après la pandémie de Covid-19.
«Nous avons beaucoup de clients d’Europe, qui veulent déménager ici
(…) lancer une entreprise ou trouver du travail», dit à l’AFP Farhad
Azizi, le PDG de Azizi groupe, un promoteur qui s’apprête à lancer la
construction de la deuxième plus haute tour de Dubaï, après la fameuse
Burj Khalifa.
Mais pour les nombreux expatriés, qui composent environ 90% des 3,5
millions d’habitants de Dubaï, cette frénésie immobilière n’est pas
forcément une bonne nouvelle. «C’est très bien pour les propriétaires,
beaucoup moins pour les locataires», concède Jacob Fletcher,
spécialiste du marché locatif chez Betterhomes, selon lequel les
loyers ont augmenté de 20% en moyenne en 2022.
À budget égal, les nouveaux venus doivent se contenter de logements
plus petits, plus excentrés. Mais ce sont les résidents de longue date
qui subissent le plus durement l’impact de la hausse des prix,
explique-t-il à l’AFP. La plupart d’entre eux sont habitués à voir les
loyers grimper et redescendre au gré de la conjoncture, le marché
ayant connu de nombreux soubresauts dans le passé, notamment après la
crise financière de 2009 ou pendant la pandémie de Covid-19.
Marché «fou»
La hausse rapide des loyers de ces derniers mois, dans un contexte
mondial d’envolée des prix, prend de nombreuses familles de court.
«Notre propriétaire nous a donné un préavis de départ il y a un an au
motif qu’il veut vendre», raconte à l’AFP une expatriée occidentale,
installée avec son mari et son fils à Dubaï depuis cinq ans. «Mais
aujourd’hui le marché est tellement fou, tout est si cher, que nous
devons payer davantage pour un logement plus petit et plus éloigné»,
déplore la jeune femme qui a requis l’anonymat, dans un pays où
exprimer publiquement son mécontentement n’est pas du goût des
autorités.
Les réseaux sociaux regorgent de témoignages de familles en conflit
avec leurs propriétaires, cherchant à profiter des prix actuels avant
un éventuel retournement de situation. Dubaï «n’est pas immunisé»
contre les incertitudes actuelles, observe l’expert Faisal Durrani,
qui évoque notamment le ralentissement économique mondial et la hausse
des taux d’intérêt.
«Mais les Émirats arabes unis, comme l’Arabie saoudite, figurent parmi
les économies à plus forte croissance (…) et les niveaux d’inflation y
sont inférieurs que dans le reste du monde», fait-il remarquer. «Donc
les perspectives sont plus positives que négatives».